Gravures rupestres de la Bessa

L'occupation de la Bessa est antérieure à l'exploitation du gisement aurifère par les Romains. La combinaison métal et forte concentration de blocs erratiques, dont les surfaces se prêtent bien à la gravure, fut la cause probable de cette présence humaine dont il reste des traces significatives : plus de 600 gravures en grande partie de forme hémisphérique communément appelées "cupules". Malgré une distribution assez uniforme, la presque totalité des blocs gravés est concentrée entre les hameaux de Filippi et de Vermogno dans la commune de Zubiena, soit sur 1/3 de la surface de la terrasse. Cette anomalie s'explique probablement par le fait que les collines morainiques, délimitant le flanc droit de la Bessa, se terminent précisément à la hauteur de Vermogno. C'est sur ces hauteurs ensoleillées et sûres que devaient se situer les habitats. Il apparaît donc logique que l'art de la gravure lithique se développa à proximité des habitats étant donné l'énorme quantité de surfaces disponibles. Les blocs sont généralement positionnés sur de petits mamelons, sur des plans mais jamais sur des versants potentiellement à l'ombre. En outre, la presque totalité des gravures a été réalisée sur des surfaces horizontales ou inclinées vers la course du soleil et sont, dans ce cas, concentrées en majeure partie dans la moitié supérieure; ces caractéristiques font supposer que le degré d'ensoleillement déterminait les conditions prééminentes du choix effectué.

            

Roche n. 14                                    Roche n. 50

                  

Roche n. 29                  Roche n. 32

Roche n. 43                  Roche n. 31

               

 

Il n'est pas possible, à l'heure actuelle, de dater les gravures rupestres de la Bessa, car les travaux entrepris pour exploiter le gisement aurifère ont entaillé presque totalement la couche superficielle du terrain; la majeure partie des hauteurs environnantes ont subi une présence anthropique continuelle jusqu'à nos jours et aucun sondage n'a été effectué à la base des quelques blocs qui pourraient avoir conservé encore le sédiment originel. Toutefois, la variété des types et des dimensions rencontrés font penser que cet art s'est développé sur une longue période. De plus, on doit considérer que les blocs sont situés entre 370 m et 340 m d'altitude, dans une zone propice à l'occupation humaine, c'est-à-dire près des cours d'eau.

On devrait ne pas tenir compte de l'hypothèse plusieurs fois formulée qui prétend que les gravures rupestres de la Bessa sont à attribuer chronologiquement à la période d'exploitation du gisement par les Romains, compte tenu que leur distribution sur le territoire est limitée à 1.5 km2 contre une superficie totale de la terrasse supérieure de 4,5 km2; en outre, la zone de concentration maximale des installations relatives aux aurifodinae ne coïncide pas avec celle des gravures.

La rumeur qui circule encore aujourd'hui sur des cultes liés à la pierre se fonde sur les deux blocs situés aux extrémités de la zone des gravures. Le Roch d'la Sguia (roche de la glisse) est un magnifique monolithe caréné (presqu'un ovoïde gigantesque) sur lequel apparaissent encore les stries longitudinales dues à son transport dans le glacier Baltée. Sur son dos arrondi, outre une série de cupules, on remarque la trace polie produite par d'innombrables "glissades" de générations de femmes en quête de fertilité (et plus près de nous, de jeux d'enfants). Ce lien singulier entre certaines pierres et la capacité de procréer est connu dans de nombreuses autres parties de l'Europe et a trait à des cultures protohistoriques dont l'influence est parvenue jusqu'à nous. À l'opposé extrême du " généreux " Roch d'la Sguia se trouve le Roch Malegn (roche maligne), énorme bloc anguleux brisé en trois parties qu'encore aujourd'hui certains anciens habitants de la zone préfèrent ne pas fréquenter ni même nommer. Le fragment dominant et le mieux ensoleillé comporte une importante série de cupules reliées pour la plupart deux par deux par une petite rigole. Ce leitmotiv du couple fait supposer, dans ce cas également, que la fertilité soit entrée dans l'histoire de ce bloc à des époques reculées, ce qui expliquerait sa mauvaise réputation due peut être à un anathème de matrice chrétienne.

         

Roche de la "sguia"                                           Roche "malegn"

 

Malgré les nombreuses subdivisions élaborées par le Fichier International des Arts Rupestres les roches à cupules apparaissent, dans la presque totalité des cas, recouvertes par des séquences plus ou moins nombreuses de signes éparpillés de façon apparemment fortuite. Toutefois, des séries de gravures qui semblent être des compositions faites intentionnellement sont présentes sur deux blocs à la Bessa. Le premier (n° 5), situé en aval du hameau de Roletti di Zubiena, accueille sur sa surface supérieure plane plus de 80 cupules, 61 desquelles semblent être organisées en une structure équilibrée et dotée de symétrie dont la continuité et l'uniformité des signes fait penser à une exécution unitaire voulue et semble représenter un objet doté de manche (une double file de cupules) au sommet duquel, sur le côté gauche se dessine une sorte de trapèze et sur le droit, un long appendice. Cet "objet" présumé accuse de fortes ressemblances avec les fameuses "haches à manche recourbé" gravées sur des mégalithes français, mais évidemment la "parenté" n'est qu'une simple hypothèse de travail. Le second bloc, situé en aval du hameau de Vermogno di Zubiena, porte cinq alignements de cupules en partie reliées par des rigoles, parallèles entre elles. Dans ce cas aussi, il semblerait que les signes aient été faits volontairement, si l'on considère que les alignements de plus de trois cupules sont très rares, que ce soit à la Bessa (sept dont cinq sur le bloc étudié) ou ailleurs.

 

                        

-Roche n. 5                                                Roche n. 41

 

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